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La Triade, c’est Vertigo – La jetée – 12 Monkeys.

Et l’hypothèse, c’est que ces trois films disent la même chose. 

J’insiste : il s’agit bien d’une hypothèse. Et mon objectif n’est pas ici de chercher à convaincre quiconque de la validité de cette hypothèse, mais plutôt de tenter de m’en convaincre moi-même, en tournant autour de ces trois films (et en passant par d’autres), de toutes les façons possibles.

Le Vertige, c’est le vertige du temps. 

Et le temps, il n’y a plus que ça qui m’intéresse. Peut-être parce que la fin se rapproche et que j’ai probablement plus de temps derrière moi que devant.

Et si le temps était vraiment spiralaire ? Et si on rejouait une seconde fois ce qu’on a déjà traversé une première fois ? Et si on n’avait rien compris la première fois et qu’on cherchait à rejouer le film de sa vie pour mieux la comprendre ? Et si on retraversait sa vie ? C’est ce que semble raconter la Triade.

Madeleine Stowe dans L’Armée des Douze Singes. Après avoir raccroché le téléphone dans l’entrée du cinéma qui projette les Hitchcock. Mais à qui a-t-elle téléphoné ? À une agence de voyage ? Pour réserver les billets d’avion ? Sérieusement ?

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« Je me souviens de toi comme ça »

Il y a toujours des répliques clés. Celle-ci arrive de L’armée des douze singes ; c’est Madeleine (ou Kathryn) qui la prononce à Bruce (ou James). Et qui nous la jette à la figure. On croyait enfin avoir compris quelque chose, et puis non, Madeleine vient gâcher la fête. Et sur le thème musical de Madeleine dans Vertigo par-dessus le marché. Suspect. On est bien dans la triade. 

Mais de quoi parle-t-on en fin de compte ?

Du temps ?
Oui, mais pas seulement.

On parle de retour, de croyance, et de regard.

La Triade, c’est trois fois la même scène : un homme regarde une femme qu’il a déjà vue, qu’il va revoir, qu’il croit reconnaître, et qui peut-être n’est pas celle qu’il croit.

Dans Vertigo, Scottie regarde Madeleine comme on regarde une photographie prise avant l’accident.
Dans La Jetée, l’homme regarde la femme d’un souvenir qui n’existe pas encore.
Dans 12 Monkeys, James Cole voit Kathryn à travers les vitres d’un rêve qu’il a déjà eu, dans un aéroport qu’il n’a pas encore traversé.

Dans les trois cas, il y a une boucle qui serre, une spirale qui enserre le corps du spectateur, une image qui revient, plus précise à chaque passage — et pourtant toujours fuyante. Une Madeleine au carré, en quelque sorte. Un objet du souvenir trop parfait, trop beau pour être vrai, et donc forcément fatal.

Et alors le vertige devient plus qu’un vertige : il devient une structure, un motif mental, un piège doux.
Et peut-être une hypnose collective.

Le temps spiralaire, dans ces trois films, n’est pas une théorie : c’est une sensation.
Une sensation de déjà-perdu.

Et ce qui est perdu, ce n’est pas le temps.

C’est la possibilité d’en sortir.

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